La prolongation de la détention provisoire, en application de l’article 509-1 du code de procédure pénale, n’a pas à être motivée au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du code de procédure pénale.
par Lucile Priou-Alibertle 9 juin 2020
Crim. 21 avr. 2020, F-P+B+I, n° 20-80.950
En l’espèce, une personne, ni comparante ni représentée devant le tribunal correctionnel, avait été condamnée selon un jugement contradictoire à signifier et un mandat d’arrêt avait été délivrée à son encontre. Ce dernier avait été mis à exécution et le prévenu avait interjeté appel du jugement. L’appel avait été audiencé, le 14 janvier 2020 et renvoyé en raison de la grève des avocats. Une audience avait également été fixée, le 16 janvier 2020, devant le Président de la chambre des appels correctionnels pour voir statuer sur la prolongation de la détention provisoire en application de l’article 509-1 du code de procédure pénale. Pour prolonger la détention provisoire du prévenu, l’ordonnance indiquait que l’affaire, en état d’être jugée le 14 janvier 2020, soit dans les quatre mois de son appel, n’avait pu l’être du fait de la grève du barreau à laquelle l’avocat du prévenu s’était associé et que ces raisons de fait faisaient obstacle au jugement de l’affaire dans le délai légal.
Le prévenu était l’auteur du pourvoi rejeté par la Haute Cour. Dans l’arrêt commenté, la chambre criminelle estime, en effet, que le magistrat a exposé les raisons de fait rendant impossibles la tenue de l’audience dans le délai légal et qu’il n’avait pas à motiver la prolongation de la détention provisoire d’un prévenu, dans ce cadre, au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code. Elle précise, au surplus, que la question de la nullité de la citation devant le tribunal correctionnel ne pouvait être examinée que devant la juridiction statuant au fond.
Rappelons que l’article 509-1 du code de procédure pénale a été inséré dans ledit code par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Le gouvernement, auteur de l’amendement qui a ajouté ce texte aux débats parlementaires, a motivé son insertion en précisant qu’il visait à « encadrer, en matière correctionnelle, la durée du maintien en détention provisoire dans l’attente du jugement en appel, la loi ne l’encadrant actuellement que dans l’attente du jugement en première instance. » (V. auparavant, l’encadrement par la Cour de cassation de la durée de la détention, Crim. 4 oct. 2016, F-P+B, n° 16-84.578, Dalloz actualité, 17 nov. 2016, obs. J. Gallois).
C’est pourquoi l’article 509-1 précité prévoit dorénavant un délai de comparution de quatre mois à compter, soit de l’appel, soit de la date à laquelle le prévenu a été placé en détention et la nécessité, si le délai n’est pas respecté, d’une décision du Président de la chambre des appels correctionnels « mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l’affaire » pour prolonger la durée de la détention (à noter que les délais sont de 6 mois pour les infractions commises hors du territoire national et celles visées aux art. 706-73 et 706-73-1 du même code).
C’est donc à une interprétation très littérale du texte que se livrent les juges du Quai de l’Horloge limitant l’exigence de motivation aux seules raisons faisant obstacle au jugement de l’affaire.
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