es parents de deux jeunes filles sont recevables à se constituer partie civile devant le juge d’instruction du chef des viols dont auraient été victimes leurs enfants, cette infraction étant de nature à leur causer un préjudice.par Lucile Priou-Alibertle 15 juin 2020
Crim. 26 févr. 2020, FS-P+B+I, n° 19-82.119
En l’espèce, les parents de deux jeunes filles avaient déposé, en leur nom personnel, une plainte avec constitution de partie civile du chef des viols dont elles auraient été victimes. Le doyen des juges d’instruction, confirmé en cela par la cour d’appel, avait dit irrecevable la constitution de partie civile des parents au motif que « le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction et le préjudice moral qu’invoquent les époux B. ne résulte qu’indirectement du préjudice éventuel subis par leur fille. »
Sur pourvoi des parents et au visa des articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale, la chambre criminelle casse l’arrêt critiqué. Pour ce faire, la Haute Cour rappelle qu’il résulte, d’une part, des articles 2 et 3 précités que le droit d’exercer l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage aussi bien matériel que corporel ou moral directement causé par l’infraction et, d’autre part, de l’article 85 que toute personne se prétendant lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d’instruction. L’application combinée de ces articles au cas d’espèce devait conduire la Cour à conclure que « l’infraction visée aux poursuites était de nature à causer directement préjudice non seulement au mineur mais également à ses parents » et, dès lors, à casser l’arrêt critiqué.
Cette solution, tout à fait constante, ne révolutionne certes pas l’état du droit positif. Il est, en effet, bien établi que la victime par ricochet qui subit un préjudice personnel est recevable à se constituer partie civile devant le juge pénal, étant de surcroît précisé que, pour que la constitution de partie civile soit recevable devant le juge d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation de causalité directe de celui-ci avec les faits dénoncés (Crim. 9 févr. 1961 ; 11 juin 2002, n° 01-86.149). Il avait, en effet, déjà été jugé ainsi pour une grand mère dénonçant des actes incestueux sur sa petite fille (Crim. 16 juin 1998, n°982.171) ou pour la sœur d’une victime de viol (Crim. 27 mai 2009, n° 09-80.023, AJ pénal 2009. 363, obs. C. Duparc ). La confusion réside ici dans le vocable, trop souvent utilisé, de victime indirecte pour qualifier les victimes par ricochet. Sans doute, serait-il plus rigoureux de qualifier systématiquement les proches de la victime directe de victimes par ricochet et de réserver le qualificatif de victimes indirectes à celles qui subissent effectivement un préjudice indirect et, par voie de conséquence, qui ne sont pas recevables à se constituer partie civile (ainsi, en est-il des créanciers de la victime ou de ceux subrogés dans les droits de cette dernière : v., notes 102 s. sous C. pr. pén., art.2).
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