Le 30 janvier 2020, la CEDH a condamné la France jugeant que les requérants ne disposaient pas d’une voie de recours effective pour faire cesser des conditions de détention indignes (v. Surpopulation carcérale : la France épinglée par la CEDH, Actualités du droit, 6 févr. 2020). Les recours prévus par le Code de justice administrative (référé-liberté ou référé mesures-utiles) ne sont pas satisfaisants.
En juillet 2020, la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette décision : le juge judiciaire doit garantir à la personne placée dans des conditions de détention indignes un recours préventif et effectif pour mettre fin à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, prohibant les traitements inhumains et dégradants (Libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !, Actualités du droit, 8 juill. 2020).
Néanmoins, le Conseil constitutionnel, le 2 octobre 2020, a affirmé que le législateur devait garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine. Il a déclaré inconstitutionnel le second alinéa de l’article 144-1 du Code de procédure pénale et a décidé que cette abrogation prendrait effet le 1er mars 2021 (v. Une loi attendue pour faire respecter la dignité humaine en prison, Actualités du droit, 2 oct. 2020).
Une proposition de loi a donc été déposée pour tirer les conséquences de la censure. Elle prévoit un dispositif pour garantir le droit à des conditions dignes de détention.
Que dit le texte ?
Toute personne détenue se plaignant de conditions de détention indignes pourra soit saisir le juge des référés, disposant d’un pouvoir d’injonction, soit le juge judiciaire pouvant ordonner sa remise en liberté. En effet, l’article unique de la proposition prévoit la création d’un nouvel article, le 803-8. Il disposerait que « toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire en application des dispositions du présent code qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine, peut saisir, selon les modalités prévues au présent article, le juge des libertés ou de la détention, si elle est en détention provisoire, ou le juge de l’application des peines, si elle est en exécution de peine, afin qu’il soit mis fin à ces conditions de détention indignes ».
Les allégations, devront être « circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas la dignité de la personne ». Le texte reprend ainsi la décision rendue par la Cour de cassation (Libération d’un détenu pour conditions de détention indignes : c’est désormais possible !, Actualités du droit, 8 juill. 2020). Dans cette hypothèse, le juge pourra faire procéder aux vérifications nécessaires et pourra recueillir les observations de l’administration pénitentiaire « dans un délai compris entre trois jours ouvrables et dix jours ».
Si la requête est fondée, le juge devra faire connaître à l’administration pénitentiaire les conditions qu’il estime contraires à la dignité de la personne humaine. L’administration aura entre dix jours et un mois « pour permettre de mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention ». Elle pourra notamment transférer l’intéressé dans un autre établissement (sous réserve de l’accord du magistrat saisi du dossier s’il s’agit d’une personne détenue).
S’il n’a pas été mis fin aux conditions indignes de détention, le juge pourra alors décider d’ordonner :
- soit le transfèrement de la personne dans un autre établissement ;
- soit sa mise en liberté immédiate, si la personne est en détention provisoire ;
- soit un aménagement de peine si la personne est définitivement condamnée et qu’elle est éligible à une telle mesure.
Néanmoins, le juge pourra refuser de prendre l’une de ces trois décisions si le détenu a préalablement refusé un transfèrement proposé par l’administration, sauf s’il s’agit d’un condamné et que ce transfèrement « aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale ».
Le juge devra rendre des décisions motivées. Ces dernières devront être prises « au vu de la requête et des observations de la personne détenue ou, s’il y a lieu, de son avocat, des observations écrites de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du procureur de la République ». L’intéressé pourra également être entendu.
Le texte prévoit la procédure d’appel soit devant la chambre de l’instruction soit devant la chambre de l’application des peines.
Enfin, la proposition dispose qu’un décret devra venir préciser :
- les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention ou du juge de l’application des peines ;
- la nature des vérifications que le juge peut ordonner sans préjudice de sa possibilité d’ordonner une expertise ou de se transporter sur les lieux de détention ;
- dans quelle mesure le juge administratif, s’il a été saisi par la personne condamnée, n’est plus compétent pour ordonner son transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire.
CE, 16 févr. 2021, n° 446531
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