Le Défenseur des droits considère que la règle de non-partage des prestations familiales en cas de résidence alternée des enfants est discriminatoire envers les pères et contraire aux intérêts supérieurs de l'enfant.
En dehors des allocations familiales à proprement parler, les prestations familiales ne peuvent pas être partagées entre les deux parents. Elles sont en principe versées à la personne qui assure la charge effective et permanente de l'enfant (CSS art. L 513-1 ). Lorsque les deux parents vivent ensemble, ils choisissent l'allocataire d'un commun accord. À défaut, les prestations sont versées à l'épouse ou à la concubine (CSS art. R 513-1). En cas de divorce ou de séparation, l'allocataire est celui au foyer duquel vit l'enfant. Cette règle de l'unicité de l'allocataire s'applique également en cas de résidence alternée de l'enfant (Cass. 2e civ. 30-3-2017 no 16-13.720 F-D : BPAT 3/17 no 99). Saisi par un père dont les enfants sont en résidence alternée et qui s'est vu refuser le partage des prestations familiales avec son ex-conjointe par la CAF, le Défenseur des droits a considéré que ces dispositions sont discriminatoires et contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le Défenseur des droits relève tout d'abord que la désignation d'un allocataire unique a nécessairement pour effet d'exclure un des parents du bénéfice des prestations familiales. Or, du fait de la règle de désignation par défaut de la mère quand les parents sont en couple, cette exclusion s'effectue le plus souvent au détriment des pères, ce qui constitue une discrimination en raison du sexe. En outre, l'application de cette règle entraîne une différence de traitement entre les parents vivant en couple et les parents séparés ou divorcés, soit une discrimination à raison de la situation de famille.
En outre, le Défenseur des droits estime que la règle d'unicité de l'allocataire est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant dans la mesure où les deux parents qui assument la charge effective et permanente des enfants en alternance sont tenus à des obligations d'éducation similaires et ont des besoins d'assistance matérielle identiques. Il s'appuie pour cela sur la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1980, qui prévoit que les États adoptent les mesures appropriées pour aider les parents à assurer les conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant et que les prestations doivent être accordées compte tenu des ressources et de la situation de l'enfant et des personnes qui en sont responsables.
À noter : Le litige portait en partie sur le calcul de l'aide personnalisée au logement, la CAF ayant refusé de prendre en compte la résidence alternée des enfants dans le calcul de l'allocation versée à leur père. Le cas particulier de cette prestation, et plus généralement des aides personnelles au logement, est désormais réglé : le principe du partage en cas de résidence en alternance a été acté en premier lieu par le Conseil d'État (CE 21-7-2017 no 398563 : BPAT 5/17 no 181) puis, depuis le 1er septembre 2019, par le législateur (CCH art. L 823-2 et R 823-5). La question d’une réforme de ces règles subsiste toutefois pour nombre d'autres prestations. Signalons à cet égard qu'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 avait été déposé au Sénat pour prévoir le partage de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). La disposition n'a pas été retenue au motif que la question dépasse le cas particulier de l'AEEH et doit faire l'objet d'une étude globale. En outre, le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles a de nouveau exclu une réforme à court terme sur le sujet (Rép. Joseph : Sén. 31-12-2020 n° 19615). Il précise néanmoins avoir demandé à ses services d'expertiser différentes orientations, et notamment d'analyser prestation par prestation l'opportunité d'avancer vers un partage plus égalitaire entre parents.
Violaine MAGNIER
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Droit de la famille n° 37315
Déf. droits no 2020-170 du 16-9-2020
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