Refuser de donner le code de déverrouillage du téléphone peut constituer une infraction

publié il y a 3 ans

La Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre est venu affirmer que le code d’un téléphone est une convention secrète de déchiffrement. Refuser de le donner à un officier de police judiciaire peut constituer une infraction. Il précise également comment demander le code de déverrouillage.


Un homme est gardé à vue dans le cadre d’une enquête de flagrance pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Un fonctionnaire de police lui réclame lors de son audition les codes de déverrouillage des trois téléphones découverts en sa possession. Il refuse de les communiquer.


Il est cité devant le tribunal pour ces infractions et « refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». Il est déclaré coupable des délits reprochés. Il interjette appel à titre principal et le ministère public à titre incident.


La cour d’appel relaxe le prévenu du chef de refus de remettre une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie. Elle affirme que le prévenu a refusé de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable, sur la demande d’un fonctionnaire de police au cours de son audition et non en vertu d’une réquisition de le communiquer ou de le mettre en œuvre émanant d’une autorité judicaire.


Les juges du second degré précisent également qu’un code de déverrouillage d’un téléphone portable d’ « usage courant » ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie « en ce qu’il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés » mais ouvre l’accès aux données qui y sont contenues.


 Le procureur général près la Cour de cassation forme un pourvoi en cassation. Il soulève que :

- la cour d’appel a « imposé une exigence non expressément prévue par l’article 434-15-2 du Code pénal » en affirmant qu’aucun élément de la procédure qu’une réquisition ait été adressée par une autorité judiciaire ;

- le code de verrouillage d’un téléphone constitue bien une convention secrète de déchiffrement.


Dans un arrêt du 13 octobre 2020, la Cour de cassation va casser et annuler, dans le seul intérêt de la loi, l’arrêt de la cour d’appel.


Sur le premier point, la Haute juridiction juge que la cour d’appel a eu tort d’énoncer « que cette réquisition ne pouvait être délivrée par un fonctionnaire de police, alors que la réquisition délivrée par un officier de police judiciaire agissant en vertu des articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable au litige, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, entre dans les prévisions de l’article 434-15-2 du Code pénal ». Néanmoins, l’arrêt n’encourt pas la censure. En effet, une simple demande formulée au cours d’une audition « sans avertissement que le refus d’y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale », ne constitue pas une réquisition.


Sur le second point, la Cour de cassation note que :

- l’article 434-15-2 du Code pénal prévoit que toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir permis de préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, « est tenue de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du Code de procédure pénale » ;

- il résulte des articles 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, L.871-1 et R. 871-3 du Code de la sécurité intérieure que « la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité », ainsi le code de déverrouillage d’un téléphone peut constituer une convention secrète lorsqu’il est équipé d’un moyen de cryptologie.


Ainsi, « l’existence d’un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l’appareil ou des logiciels qui l’équipent ainsi que par les résultats d’exploitation des téléphones au moyen d’outils techniques, utilisés notamment par les personnes qualifiées requises ou experts désignés à cette fin, portés, le cas échéant, à la connaissance de la personne concernée ». La cour d’appel qui s’est référée à la notion inopérante de téléphone d’usage courant, a méconnu les textes susvisés.

Rappelons que dans un arrêt du 10 décembre 2019 (Cass. crim., 10 déc. 2019, n°18-86.878, P+B+I), la Cour de cassation a jugé que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données contenues dans les téléphones. Mais elle avait affirmé, sans trop de précisions, que le code de déverrouillage pouvait être considéré comme convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie au sens de l’article 434-15-2 du Code de procédure pénale.

15 octobre 2020 - Clara Le Stum

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